Caractéristiques psychomotrices
1. Douleurs et blessures
2. Motricité et psychomotricité
1. Douleurs et blessures : prévenir plutôt que guérir
Système musculosquelettique
Le système musculosquelettique est composé des os, de la configuration des articulations, des ligaments, des cartilages, des tendons et des tissus musculaires. De nombreux changements y surviennent avec le vieillissement et incluent notamment une guérison de plus en plus lente des blessures. Les os deviennent plus fragiles, ce qui augmente le risque de fractures. De plus, le mouvement des articulations peut également être affecté, notamment par l’usure ou les blessures des cartilages, ces derniers servant à réduire la friction à la surface des articulations et à absorber les chocs.
Les aînés réduisent souvent leur niveau d’activité physique, ce qui résulte en une perte de force musculaire et une diminution des propriétés biomécaniques des tendons, qui s’assèchent et se raidissent. Si on encourage l’immobilisation ou une utilisation moindre d’un muscle, celui-ci perdra de l’endurance et gagnera en rigidité.
Douleur
La douleur peut être un signe d’excès du système musculosquelettique. Chez un musicien, la douleur peut être précurseur ou symptôme d’une blessure chronique. À cause des changements du système musculosquelettique associés au vieillissement, la personne âgée est davantage susceptible de subir une blessure et prendra davantage de temps à se rétablir, d’où un besoin accru de porter attention à la manifestation de la douleur lors du jeu pianistique ou de la douleur qui se manifeste en conséquence de la pratique du piano.
Afin de pouvoir poursuivre une activité physique, un aîné se doit d’être attentif à la souplesse des tissus mous qui composent son corps (muscles, tendons, ligaments, cartilages articulaires, etc.). Avec l’avancée en âge, tous les tissus mous souffrent d’un manque d’hydratation, ce qui cause souvent des raideurs, mais l’activation de ces tissus aide à maintenir leur souplesse. Pour ce faire, les aînés peuvent surveiller leur posture, procéder à des massages ou des étirements.
Posture
Les aînés devraient tous être vigilants quant à leur posture, dans toutes leurs activités de la vie quotidienne ainsi qu’en position assise au piano. Ils devraient veiller particulièrement à éviter toute flexion excessive vers l’avant et à toujours corriger celle-ci lorsque cela est possible.
Massages
Le massage des tissus mous semble pouvoir améliorer l’état de ceux-ci pendant l’activité physique, en allongeant les muscles et en accroissant leur flexibilité. De plus, le massage aide à réduire les courbatures qui peuvent être ressentie après une activité physique.
Étirements
Établir une routine où l’élève procède à des étirements en guise d’échauffement avant de s’adonner à une activité physique, telle la pratique du piano, est à conseiller aux apprenants âgés. Les meilleures conditions pour favoriser un changement dans la souplesse des tissus mous à l’aide d’étirements consistent en la réunion de trois éléments : une température élevée des tissus mous avant l’amorce des étirements, l’utilisation de peu de force pendant ceux-ci et des étirements de longue durée.
Avant de procéder à un étirement, les tissus mous ne devraient jamais être froids. Ceux-ci peuvent être réchauffés soit en procédant à une activité physique peu exigeante ou en appliquant localement une chaleur humide. La force déployée lors d’un étirement devrait résulter en une sensation d’étirement léger sans aucune douleur. De plus, les mouvements effectués pendant l’étirement devraient être lents et ce dernier devrait être maintenu de 20 à 60 secondes. Chaque étirement devrait être répété et un seul groupe de muscles devrait être étiré à la fois.
Six précautions lors d’étirements
-
Ne jamais forcer une articulation passivement au-delà de ses possibilités normales de mouvement;
-
Éviter l’étirement dans une région récemment fracturée;
-
Éviter l’étirement excessif des tissus mous qui ont longtemps été immobilisés;
-
Vérifier si une articulation ou un muscle demeure courbaturé pendant plus de 24 heures après un étirement, car cela pourrait être signe d’une inflammation qui pourrait avoir été causée par un déploiement trop important de force musculaire pendant celui-ci. Cependant, une sensibilité temporaire pourrait normalement être ressentie après un étirement.
-
Éviter d’étirer un tissu qui est enflé, car de la douleur et de l’enflure supplémentaire pourrait s’en suivre;
-
Éviter de trop étirer les muscles faibles, spécialement ceux impliqués dans le maintien postural, tel le cou et le dos.
Facteurs de risque
Différents facteurs de risque pouvant conduire à des blessures dues à la pratique d’un instrument de musique ont été identifiées par des chercheurs :
-
Certains traits psychologiques et de comportement, telle l’attitude no pain, no gain (sans douleur, pas de bénéfice);
-
Une augmentation soudaine dans le temps de répétition;
-
Un changement de répertoire, d’enseignant ou d’instrument;
-
Posséder peu d’expérience dans la pratique d’un instrument donné;
-
Un manque de répétition régulière;
-
Le stress;
-
L’anxiété de performance.
De plus, il semble que de jouer un instrument à clavier puisse également être considéré comme un facteur de risque. En effet, ceux qui pratiqueraient un instrument à clavier (de même que les cordistes) seraient davantage susceptibles de contracter une blessure que les autres instrumentistes.
Recommandations d’experts pour éviter des blessures en lien avec la pratique instrumentale
-
Connaître les facteurs de risque;
-
Procéder à des échauffements physiques et musicaux;
-
Prendre des pauses fréquemment;
-
Veiller au bon alignement de la posture et de la colonne vertébrale;
-
Veiller à l’économie de mouvement
-
Prendre conscience des mouvements effectués;
-
Adopter une position neutre des articulations;
-
Avoir des muscles forts et souples;
-
Connaître les bases de l’anatomie;
-
Procéder à des étirements;
-
Gérer son stress adéquatement;
-
Procéder à des répétitions « cognitives » ou à de la visualisation kinesthésique.
Stratégies d'enseignement
-
Comparer la pratique d'un instrument de musique à celle d'un sport
-
S'informer sur les blessures antérieures de l'élève
-
S'informer régulièrement du niveau de confort physique ressenti par l'élève lors de ses répétitions
-
Élaborer, avec l'élève, un modèle de répétition qui intègre :
-
des limites de temps de répétition (en fonction de son endurance et de son niveau de confort physique au piano)
-
des pauses
-
une alternance entre les éléments à travailler (en fonction du niveau de stress physique que chacun de ces éléments peut engendrer)
-
-
En cas de douleur persistante, diminuer le stress physique que subit la région éprouvée en modifiant le modèle de répétition et référer rapidement l'élève à un médecin spécialisé en médecine sportive, un physiothérapeute oeuvrant dans le domaine du sport ou un eutoniste : cette douleur pourrait être un symptôme ou un signe avant-coureur d'une blessure qui pourrait conduire à l'arrêt de la pratique pianistique pour votre élève âgé.
Ressources
-
Association québécoise d'eutonie Gerda Alexander : http://www.eutonie.ca/Membres.html
-
Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec : http://oppq.qc.ca/
-
Cliniques de médecine du sport : http://www.aqms.org/cliniques.html
Lecture et enregistrement vidéo suggérés
-
Accorder le corps à la musique (1992) (DVD) : contacter Mme Ursula Stuber si intéressé ( Ursula.Stuber@mus.ulaval.ca)
-
Mathieu, M.-C. (2004). Gestes et postures du musicien : réconcilier le corps et l'instrument. (France) : Format.
Bibliographie
Bulstrode, C. J., & Swales, C. (2007). The musculoskeletal system at a glance. (M. Mass, Éd.) Oxford: Blackwell Pub.
Figuers, C. C. (2005). Soft tissue care : Flexibility, stretching, and massage. Dans K. P. Speer (Éd.), Injury Prevention and Rehabilitation for Active Older Adults (pp. 59-70). Champaign: Human Kinetics.
Mathieu, M.-C. (2004). Gestes et postures du musicien : réconcilier le corps et l'instrument. (France) : Format.
Nantel, A. (2013). Enseignement du piano aux personnes âgées autonomes (65 à 79 ans) : élaboration d’un guide pédagogique web. (Thèse de doctorat). Québec : Université Laval.
Rardin, A. (2007). The effects of an injury prevention intervention on playing-related pain, tension, and attitudes in the high school string orchestra classroom (Mémoire de maîtrise). Récupéré via la base de données ProQuest Dissertations and Theses. (UMI No.3291813 ).
Singh, H. (2005). Senescent changes in the human musculoskeletal system. Dans K. P. Speer (Éd.), Injury Prevention and Rehabilitation for Active Older Adults (pp. 3-18). Champaign: Human Kinetics.
Stuber, U., Brown, I. et Giguère, M. (1992). Accorder le corps à la musique (enregistrement vidéo). Université Laval.
Whiting, W. C., & Rugg, S. (2006). Dynatomy : Dynamic human anatomy. Champaign: Human Kinetics.
2. La motricité et la psychomotricité des personnes âgées
Effet de l’âge
Les fonctions motrices et psychomotrices sont affectées par le vieillissement, mais de manière hétérogène. En effet, avec l’avancée en âge surviennent naturellement une diminution de la force musculaire, de l’endurance, de la souplesse, de la vitesse des mouvements, de l’amplitude de ceux-ci ainsi que des capacités de traitement de l’information. De plus, les personnes âgées présentent généralement des mouvements corporels, des performances motrices et des temps de réaction plus variables que les gens plus jeunes. Les performances motrices et les mouvements des aînés sont en outre généralement plus lents et leur temps de réaction est également plus long. Cependant, tous ces changements entraînés par le vieillissement ne se font pas au même rythme chez les uns et chez les autres. Ainsi, un élève âgé pourrait présenter d’excellentes capacités de traitement de l’information, mais voir ses mains moins souples que ce qu’elles ont déjà été, alors que cela pourrait être le contraire chez un autre.
Force musculaire
Bien que la force musculaire diminue avec l’avancée en âge, il semble peu probable que cela soit perceptible dans l’apprentissage du piano des aînés. En effet, la perte musculaire est moindre pour les petits muscles de la main comparativement à celle d’autres muscles, tels les fléchisseurs et des extenseurs du genou.
Endurance et souplesse
L’endurance musculaire diminue avec l’avancée en âge. Une fatigue musculaire pourrait donc survenir plus rapidement chez vos élèves âgés que chez vos élèves plus jeunes. Cependant, puisque le jeu pianistique des élèves est entrecoupé d’interventions de l’enseignant pendant la leçon, ces temps de repos pourraient vous masquer une fatigue musculaire qui se manifesterait lors de leurs répétitions.
Par ailleurs, les aînés voient leur souplesse réduite avec l’avancée en âge. Lorsqu’un aîné apprend le piano, cela s’observe généralement par une difficulté à effectuer de grandes extensions de la main, ce qui peut également ajouter à la fatigue musculaire et à la rapidité d’exécution de certains traits. Puisque dépasser ses limites physiques se solderait fréquemment par de la douleur, voire par une blessure, il est important d’être attentif à ces réalités (voir Douleurs et blessures).
Capacités de traitement de l’information
Plusieurs enseignants observent des difficultés de coordination chez leurs élèves âgés. Celles-ci peuvent être dues à la réduction des capacités de traitement de l’information qui survient avec l’avancée en âge. Les personnes âgées auront notamment plus de mal que celles plus jeunes à tout faire en même temps. Or, l’apprentissage du piano est multitâche. Non seulement la pratique du piano demande-t-elle de coordonner l’activité indépendante des deux mains et de tous les doigts à la fois, lorsqu’on n’ajoute pas celle d’un ou des deux pieds, mais l’élève de piano doit également se concentrer sur les notions qu’il n’a pas encore automatisées. Par exemple, alors qu’il travaille une nouvelle pièce, un élève pourrait également devoir se concentrer à bien déchiffrer la notation musicale, s’assurer que telle nouvelle figure rythmique est bien exécutée, ne pas oublier cette altération à l’armature d’une tonalité qui ne lui est pas encore familière et veiller à ne pas oublier de changer ce doigté qui n’était pas approprié.
Précision et vitesse
La performance motrice devient souvent plus lente et plus variable avec l’âge. Or, cela peut influencer la performance pianistique d’un apprenant aîné. En effet, il semble que des apprenants âgés auraient tendance à manquer d’agilité et à avoir de la difficulté à développer leur dextérité dans le jeu pianistique.
Il faut noter également que les aînés auraient tendance à privilégier la précision du mouvement au détriment de la vitesse, et cela pour limiter les erreurs effectuées. Cela pourrait se traduire par une variabilité du tempo et du rythme chez une personne âgée trop préoccupée par la précision des notes d’un texte musical.
Effet de l’entraînement et de l’expérience
Si, à première vue, nombreux semblent les obstacles qui attendent nos élèves aînés, certains facteurs contribuent toutefois à équilibrer la situation. Tout d’abord, il faut toujours se rappeler que les effets du vieillissement ne se font pas sentir au même rythme et dans les mêmes proportions d’un aîné à l’autre. Ensuite, les personnes âgées ont un large bagage d’expériences de toutes sortes, musicales ou non, qui peuvent influencer leurs apprentissages. Ainsi, une dame qui était secrétaire avant de prendre sa retraite pourrait, par transfert d’apprentissage, avoir une meilleure dextérité au piano que ce que vous auriez pu soupçonner au départ, et ce même si elle n’avait jamais pris de leçons de piano auparavant. Par ailleurs, les aînés qui auraient déjà suivi des leçons de piano, même lorsque cela remonte à leur enfance et que peu de notions semblent être restées en mémoire, auraient plus de facilité à retrouver les habilités psychomotrices mises à l’œuvre dans l’apprentissage du piano que les aînés néophytes en auraient à les développer.
Un entraînement musical est favorable autant pour la personne âgée qui souhaite maintenir ses capacités psychomotrices que celle qui les a vues se détériorer et qui aurait besoin de les améliorer. En effet, l’entraînement pianistique améliore significativement la coordination motrice des petits et des grands muscles chez les aînés, la vitesse de traitement de l’information et la variabilité des performances motrices. De plus, cette amélioration est plus importante lorsque davantage de temps est accordé à cet entraînement.
Stratégies d’enseignement
-
Planifiez votre enseignement afin de faire la part belle à l’automatisation des réponses pianistiques (une réponse automatique à la lecture d’une figure rythmique, par exemple, diminuera le temps de réaction impliqué dans cette tâche et augmentera la fluidité du jeu).
-
Après avoir travaillé une nouvelle connaissance théorique et/ou compétence technique ou expressive, choisissez d’abord de nouvelles pièces ou exercices techniques qui aideront l’élève à consolider ces nouveaux apprentissages.
-
Lorsque vous intégrez de nouvelles connaissances théoriques et/ou compétences techniques ou expressives, veillez à ce qu’il y ait peu d’éléments de nouveauté intégrés à la fois.
-
Révisez régulièrement les notions déjà apprises.
-
Évitez de choisir un répertoire qui fait appel à une trop grande dextérité compte tenu des capacités de l’élève âgé ciblé.
-
Jusqu’à la maîtrise de ceux-ci, ne faites travailler que des exercices techniques comportant peu d’altérations si vous souhaitez les utiliser pour développer la dextérité d’un élève âgé.
-
Discutez avec vos élèves du niveau de fatigue musculaire et de douleur qu’ils éprouvent pendant leurs leçons et pendant leurs répétitions.
-
Utilisez une approche préventive dans votre enseignement pour éviter des tensions, des douleurs et d’éventuelles blessures (voir Douleurs et blessures)
Bibliographie
Aubert, E., & Albaret, J.-M. (2001). Aspects psychomoteurs du vieillissement normal. Dans J.-M. Albaret, & E. Aubert (Éds.), Vieillissement et psychomotricité (pp. 15-43).
Brigthbill, J. (1983). The design, implementation and evaluation of a class piano program to improve coordination in the older adult (Mémoire de maîtrise). Récupéré via la base de données ProQuest Dissertations and Theses (UMI No. 1320662).
Freund, J. S. (2007). Learning. Dans J. E. Birren (Éd.), Encyclopedia of Gerontology (pp. 22-33. doi: 10.1016/B0-12-370870-2/00106-2).
Krampe, R. T., & Ericsson, K. A. (1996). Maintaining excellence: Deliberate practice and elite performance in young and older pianists. Journal of Experimental Psychology: General, 125(4), pp. 331-359. doi: 10.1037/0096-3445.125.4.331.
Kressig, R. W., Allali, G., & Beauchet, O. (2005). Long-term practice of Jaques-Dalcroze eurythmics prevents age-related increase of gait variability under a dual task. Journal of the American Geriatrics Society, 53(4), pp. 728-729. doi: 10.1111/j.1532-5415.2005.53228_2.x.
Nantel, A. (2013). Enseignement du piano aux personnes âgées autonomes (65 à 79 ans) : élaboration d’un guide pédagogique web. (Thèse de doctorat). Québec : Université Laval.
Ren, J., & Luo, X.-P. (2009). Effect on cognitive processing speed, working memory and fluid intelligence by learning to play the piano in senior years. Chinese Journal of Clinical Psychology, 17(4), pp. 396-399. Récupéré via http://caod.oriprobe.com/articles/25425874/Effect_on_Cognitive_Processing_Speed__Working_Memory_and_Fluid_Intelli.htm.
Seidler, R. D., Bangert, A. S., Anguera, J. A., & Quinn-Walsh, C. M. (2007). Motor Control. Dans J. E. Birren (Éd.), Encyclopedia of Gerontology (pp. 228-235. doi: 10.1016/B0-12-370870-2/00134-7).
Tavernier-Vidal, B., & Mourey, F. (1991). Réadaptation et perte d'autonomie physique chez le sujet âgé : la régression psychomotrice. Paris : Frison-Roche.
Trombetti, A., Hars, M., Herrmann, F. R., Kressig, R. W., Ferrari, S., & Rizzoli, R. (2011). Effect of music-based multitask training on gait, balance, and fall risk in elderly people: a randomized controlled trial. Arch Intern Med., 171(6), pp. 525-533. doi: 10.1001/archinternmed.2010.446.